Le médecin de l'hôpital de Bayonne, soupçonné d'euthanasie active sur au moins quatre patients âgés, a été mis en examen vendredi pour "empoisonnement" sur "des personnes particulièrement vulnérables" et remis en liberté sous contrôle judiciaire. Le parquet, qui avait requis son placement sous mandat de dépôt, a annoncé son intention de faire appel de la décision de remise en liberté.
La justice reproche à Nicolas Bonnemaison, 50 ans, médecin du service des urgences de l'hôpital de Bayonne, d'avoir pratiqué des injections de "substances ayant entraîné le décès immédiat" d'au moins quatre personnes âgées. La mise en examen a trait en premier lieu à quatre décès survenus au cours des cinq derniers mois, le dernier étant celui d'une patiente de 92 ans, morte le 3 août. Le dossier a été remis à deux juges d'instruction "compte tenu de la complexité du dossier", a fait savoir le procureur-adjoint de Bayonne, Marc Mariée lors d'une conférence de presse.
Parmi les conditions du contrôle judiciaire du prévenu figurent l'interdiction d'exercer sa profession, l'interdiction de rencontrer les personnes concernées par les faits, ainsi que les membres du personnel de l'unité hospitalière où il travaillait, a précisé Marc Mariée, après l'annonce de la remise en liberté. Il lui est également interdit de quitter le territoire national et il devra résider dans un lieu déterminé, qu'il a choisi dans un département autre que les Pyrénées-Atlantiques, a ajouté le magistrat sans plus de détail.
Pas de plainte des familles
Selon son avocat, Nicolas Bonnemaison "ne regrette pas son geste et a préféré prendre le problème (de l'euthanasie) à bras le corps". Le médecin "n'a pas démenti les faits, il a expliqué les circonstances de décisions prises face à sa conscience pour abréger les souffrances de personnes qui allaient décéder dans les minutes suivantes", a déclaré Me Dupin, du barreau de Bordeaux. "La notion d'assassinat est complètement absurde", a-t-il ajouté, estimant que, dans cette affaire, son client était "un bouc émissaire". Il a souhaité que "l'omerta sur ce qui entoure la fin de vie soit levée". L'euthanasie, "ça se pratique et ça existe dans tous les hôpitaux", a affirmé l'avocat qui avait demandé la remise en liberté de son client.
Le praticien, objet d'une dénonciation au sein de son service, avait été interpellé mercredi et est demeuré 48 heures en garde à vue, avant d'être mis en examen. Il encourt la réclusion à perpétuité. Selon le procureur-adjoint, Nicolas Bonnemaison a notamment reconnu avoir utilisé du Norcuron, un médicament à base de curare pouvant entraîner la paralysie des muscles respiratoires. "Il s'agit d'actes d'une extrême gravité et totalement prohibés par la loi", a déclaré Marc Mariée, qui a toutefois indiqué qu'aucune des familles concernées n'avait porté plainte jusqu'à présent.
Le président de l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf), Patrick Pelloux, s'est pour sa part félicité de l'ouverture d'une enquête de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) portant sur "les conditions du décès de personnes hospitalisées" à Bayonne. Le corps médical, a-t-il dit "a besoin de comprendre ce qui s'est passé". Le vice-procureur a rappelé que la loi Leonetti sur l'euthanasie fixait "un cadre extrêmement strict et notamment deux conditions: celle du consentement de la personne ou de sa famille et celle de la collégialité" qui requiert les avis de plusieurs médecins. Les quatre personnes décédées de manière suspecte à l'hôpital de Bayonne "étaient certes âgées, certes en fin de vie, mais une fin de vie peut durer plusieurs heures ou plusieurs jours" et "rien, a conclu le magistrat, ne justifie le comportement de ce médecin tel que cela a été dénoncé".
LE POINT