La loi spéciale du gouvernement Charest, adoptée en mai dernier afin d’assurer le retour en classe des étudiants, porte atteinte à des libertés fondamentales garanties par la Charte des droits et libertés de la personne, a tranché jeudi la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.
« L'analyse détaillée de la Loi permettant aux étudiants de recevoir l'enseignement dispensé par les établissements de niveau postsecondaire qu'ils fréquentent, rendue publique aujourd'hui [jeudi], confirme les sérieuses inquiétudes que la Commission avait émises le 18 mai dernier lors de l'adoption du projet de loi 78 par l'Assemblée nationale », a indiqué la Commission, jeudi, dans un communiqué.
Selon l’organisme, plusieurs articles du projet de loi 78, adopté officiellement sous l’appellation « loi 12 », sont contraires à la Chartre, notamment l’article 14, qui interdit tout rassemblement à l'intérieur d'un édifice où sont dispensés des services d'enseignement, sur le terrain ou dans un rayon de 50 mètres des limites externes de celui-ci.
Comme les articles 12 et 13, cet article porte atteinte « à la liberté de conscience des personnes visées en les obligeant à passer outre à leur sentiment de solidarité et à leur conviction », a déploré la Commission.
Quant aux articles 16 et 17, qui obligent les organisateurs et manifestants d’un rassemblement de 50 personnes et plus à fournir leur itinéraire aux policiers, la Commission estime également qu’il porte atteinte aux libertés d'expression et de réunion pacifique.
L’organisme montre aussi du doigt les articles 18 à 31, notamment en raison « de la sévérité des sanctions » imposées aux personnes qui contreviendraient à des dispositions de la loi 78. En effet, la loi prévoit des amendes pouvant aller jusqu’à 5000 $ pour les individus, jusqu’à 35 000 $ pour les représentants des associations étudiantes, et jusqu’à 125 000 $ pour les associations étudiantes ou autres organismes qui organiserait une manifestation.
La Commission estime en outre que ces articles soulèvent des doutes « quant à ce qui est permis ou non ».
La Coalition large pour une association syndicale étudiante (CLASSE) a salué le travail de la commission. « Il est très encourageant au plan juridique de voir que la Commission des droits de la personne partage notre analyse de la loi spéciale. Cela nous donne bon espoir d'avoir gain de cause devant les tribunaux pour la faire invalider », a déclaré jeudi Gabriel Nadeau-Dubois, co-porte-parole de la CLASSE.
« Il s'agit bel et bien d'une loi injuste et répressive, en plus d'être carrément anticonstitutionnelle. Jean Charest doit se rendre à l'évidence et abroger sa loi spéciale », a-t-il poursuivi.
La Clinique juridique Juripop a de son côté souligné l'importance de la position adoptée jeudi par la commission, dont les commentaires appuient selon elle l'essentiel des arguments plaidés par ses avocats, qui représentent la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ), la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) et la Table de concertation étudiante du Québec (TaCEQ).
Devant les tribunaux
La Cour supérieure du Québec avait rejeté en juin la requête des associations étudiantes qui demandaient de suspendre temporairement certaines dispositions de la loi. Ces dernières ont demandé l'autorisation d'en appeler du jugement.
La Cour d'appel a entendu mercredi soir la requête pour permission d'en appeler du jugement rejetant le sursis de certaines dispositions de la Loi 12, et a pris la requête en délibéré.
La Cour supérieure devrait entendre au cours des prochains mois la requête en nullité de la Loi 12 présentée par les associations étudiantes et d'autres regroupements.
LE JOURNAL DE MONTREAL