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21.4.12

PORTUGAL, les députés cèdent à "l'ultralibéralisme européen"


Le Premier ministre portugais Pedro Passos Coelho (à droite) et le ministre des Affaires parlementaires Miguel Relvas lors d'une séance parlementaire consacrée au traité budgétaire, le 13 avril à Lisbonne. AFP PHOTO/ FRANCISCO LEONG

Le gouvernement [de droite] a voulu que le Portugal ratifie au plus vite le traité budgétaire [204 députés sur 240 ont voté pour, dont ceux du Parti socialiste]. Pourquoi une telle précipitation ? Les échos des difficultés rencontrées lors du processus d'approbation dans d'autres pays pouvaient nourrir l'opposition, chez nous, à ce traité. C'est un signe des temps que nous vivons actuellement en Europe : la démocratie fait peur aux politiques qui sont là pour liquider le modèle social européen et imposer une économie d'appauvrissement. Ils savent que le peuple n'accepterait jamais ce choix, d'où l'invention de mille et une raisons pour ne pas le consulter. Le prétexte ? La crise, comme d'habitude. Et le chantage est toujours le même : pour y faire face, la seule réponse possible est la restriction des droits et la réduction de l'Etat au minimum. C'est ça ou rien.

Le traité budgétaire est une privation de démocratie

L'état d'exception est devenu la règle. Et dans un état d'exception, la possibilité de choisir n‘existe pas. En clair, il n'y a pas de démocratie. Le traité budgétaire représente un pas des plus dangereux dans cette direction. Sous le prétexte de créer une "union budgétaire" pour mettre fin à la crise des dettes souveraines, on consacre en réalité l'intangibilité d'un programme et le caractère illégal des solutions alternatives à celui-ci. L'imposition de l'inscription constitutionnelle ou paraconstitutionnelle de l'interdiction de déficits structurels supérieurs à 0,5 % du PIB, l'obligation de la mise en œuvre d'un plan de réformes structurelles dès qu'ils deviennent excessifs et l'octroi à la Cour de justice de l'Union européenne de pouvoirs lui permettant de contrôler le respect de ces injonctions - voilà la synthèse d'un programme d'interdiction de tout ce qui n'est pas en adéquation avec l'ultralibéralisme économique.

Quelle place pour l'Etat ?

Avec un tel traité, l'Etat ne pourra plus faire face à une récession, répondre à l'augmentation des demandes d'allocation-chômage [qui touche 15 % de la population contre 12,4 % en 2011 à la même époque] ou renforcer les politiques de lutte contre la pauvreté. Par conséquent, l'Etat minimal - dans lequel l'assistanat remplace les services publics universels entre-temps privatisés - devient la règle sans aucune exception.

Nous aurons droit à nouveau dans les semaines et les mois à venir au discours de l'"européisme convaincu". Ses porte-parole l'utilisent invariablement comme argument massue contre toute tentative de critique de la direction prise par l'intégration européenne. Les européistes convaincus sont des gens qui se considèrent comme plus légitimes pour avoir été, dès le début, partisans de l'Europe. Pour eux, les critiques sont toujours, en dernier ressort, l'expression d'une volonté mal déguisée d'abandonner l'Europe, voire de la tuer. Derrière cette conviction étalée, on occulte leur soutien au triste héritage de Maastricht, qui a vu l'Europe capituler devant les adversaires de la cohésion économique, sociale et territoriale, et faire le choix de la réduction des salaires et de l'augmentation des inégalités comme moyen prétendument unique d'affronter les crises. Aujourd'hui, il existe une question qui réellement divise, c'est celle du rôle de l'Etat dans la lutte contre les inégalités. C'est cela que le traité tranche. Cette fois-ci, le discours vide de l'"européisme convaincu" ne peut plus servir d'alibi. Comme Manuel Alegre [candidat socialiste à la présidentielle de 2011] et Mário Soares [ancien président de la République] l'ont dit, c'est au nom de l'Europe que ce traité doit être rejeté par les autres pays. Une Europe de la démocratie, de la justice sociale. Une Europe décente.
COURRIER INTERNATIONAL