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29.4.12

Jean-Luc Mélenchon


On a beau être revenu de tout. On a beau ne plus croire à rien. On a beau savoir que derrière tout ça il n’y a que baratin et jolis mouvements de menton, on a beau, on a beau, merci à l’artiste qui sut faire renaître pour nous, fût-ce l’espace d’un instant, les grands frémissements populaires, les forêts de poings fermés dressés parmi l’océan des drapeaux rouges, les «Internationale» qui ne se bêlaient pas comme des cantiques… Merci, camarade Mélenchon. Tu nous as fait rêver, c’est toujours ça de pris. «Romantisme révolutionnaire». C’est ce qu’on te reproche. Et d’où voudrait-on qu’il vienne, le romantisme? De la soumission résignée à l’état de fait ? Du soutien passionné à l’un des gestionnaires pépères qui étalent leurs tronches sans conviction au coin des rues?

Bien sûr, on n’y croit pas vraiment, on vibre, on s’entreregarde, on se marre, elle est bien bonne… La Révolution, rien que ça! Avec la majuscule. La VIe République. Bien sûr, on votera utile, on garde les pieds sur terre. Ça n’empêche pas de se laisser fouetter le sang par ce dandy cravaté comme un Robespierre qui n’a pas la trouille, en pleine crise économique généralisée, d’appeler à foutre les patrons en l’air au nom d’un communisme ingénu fleurant le dix-neuvième siècle.
On se résignait à un Hollande-ou-Sarko sans surprise, à peine si l’on attendait de la petite Le Pen, successeur de son papa, qu’elle produise quelques intermèdes bruyants pour réveiller un peu ce combat de chiens fatigués autour d’un os aride. Tu nous a réveillés, camarade! La bonne blague serait que tu sois élu au premier tour! En tout cas, dès aujourd’hui tu existes, je me retiens d’y croire mais je ne peux empêcher cette jubilation rigolarde de m’illuminer l’intérieur.
Éveille les jeunes, rajeunis les vieux, secoue-nous le cul, rue, piaffe et gueule. Si ce n’est, comme l’insinuent ceux qui n’aiment pas cela, que l’image de toi que tu veux donner, vive l’image, elle me convient, elle vaut bien les mornes gueules des sauveurs diplômés de la patrie.

CAVANNA