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23.12.12

Noel • Le cadeau, cette aberration incontournable

Sur le plan strictement économique, les cadeaux de Noël n'ont pas une grande "rentabilité" - cohdra/CC
 
D'un point de vue purement économique, l'achat de cadeaux peut être complètement absurde. Certains présents font même plus de mal que de bien. Si j'offre un livre de cuisine à 20 euros à un ami qui n'aime pas cuisiner, par exemple, il ne saura qu'en faire. Et pourtant ce livre aura coûté cher à produire, des gens auront travaillé dessus et la valeur qu'ils auront créée disparaîtra purement et simplement.

On aurait aussi bien pu jeter le livre par la fenêtre, ça n'aurait pas fait de différence. Pour décrire ce phénomène, les économistes parlent de perte de bien-être. Une perte particulièrement fréquente à l'époque de Noël, car beaucoup de gens ne connaissent pas les goûts des autres.
Imaginez un instant que vos cadeaux de l'année dernière ne vous aient pas été offerts mais que vous les ayez achetés. Combien auriez-vous dépensé pour les acquérir? Des étudiants interrogés sur le sujet pour une étude américaine ont été clairs: la plupart d'entre eux auraient
nettement moins dépensé que ce que leurs cadeaux [fait par d'autres] ont réellement coûté.

Vraiment cher pour si peu

On observe une chute considérable de la rentabilité des cadeaux offerts par des gens qui nous aiment certes, mais qui finalement nous connaissent assez mal au quotidien. Nos parents par exemple. Ils ont les meilleures intentions du monde mais ne connaissent pas toujours nos goûts personnels. A cela s'ajoute le temps passé à trouver des cadeaux, et qu'il faudrait ajouter -toujours en termes économiques- à leur valeur globale.

Lorsque vous passez une heure dans une librairie à la recherche du beau livre idéal, vous perdez une heure durant laquelle vous auriez théoriquement pu travailler. Si vous êtes payé dix euros de l'heure pour travailler dans un bistrot, il faut donc aussi comptabiliser cette perte de revenu dans le prix du cadeau. La facture finit par être salée !

Par conséquent, si vous voulez à l'avenir faire des cadeaux économiquement efficaces, il vous suffit de glisser une enveloppe remplie de billets de banque au pied du sapin. Ce n'est peut-être pas très romantique mais ce cadeau-là ne perdra pas de valeur. A Taïwan, cette pratique est déjà répandue. Pour ceux qui n'aiment pas faire des cadeaux d'argent, il existe les bons d'achat. Eux non plus ne perdent pas leur valeur.

Faire plaisir ne suffit pas, il faut souffrir

Mais on peut encore aller plus loin. Une de nos premières erreurs est que nous essayons souvent de deviner ce que les autres aiment au lieu de nous appuyer sur nos propres compétences. C'est ainsi qu'étant professeur d'économie politique, je devrais essayer de trouver un bon livre d'économie pour mes amis. Le passionné de botanique devrait offrir une plante rare et l'amateur de vin une bonne bouteille.

Voilà des cadeaux que le destinataire non-initié passerait beaucoup plus de temps à dénicher que des spécialistes. La valeur absolue de ces cadeaux inclut aussi le gain de temps associé. Mieux encore, ce mécanisme écarte vos doutes sur le fait que le cadeau puisse en réalité valoir moins que ce qu'il a réellement coûté. Une autre solution consiste à choisir expressément des cadeaux que vous regretterez.

Oui, vous avez bien lu. Il faut souffrir pour faire plaisir! Et cela vaut d'autant plus pour les proches. Eh oui, si vous offrez un abonnement commun aux matchs du FC Köln alors que vous détestez le football, ou si vous offrez une journée de shopping- une activité qui vous fait horreur- à votre copine en votre compagnie, vous montrez aux gens combien vous les aimez. Regarde ! Je suis prêt à souffrir pour toi...
Les économistes appellent cela envoyer un signal. Cette opération (somme toute psychologique) peut même bénéficier à terme à l'acheteur du cadeau. Un résultat optimal, ne manquerait pas de souligner l'homo oeconomicus, cette engeance qui ne réfléchit que rationnellement.
COURRIER INTERNATIONAL