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10.10.12

Venezuela: Pourquoi Hugo Chávez a gagné

Dessin de Cajas, Equateur.

Les Vénézuéliens ont voté, Chávez l'a emporté. Voilà qui clôt le feuilleton des sondages, des pronostics et des anecdotes. Et si Chávez a gagné, ça n'est sans doute pas pour rien.
Les Vénézuéliens le connaissent suffisamment bien. Il est à la tête du pays depuis treize ans et dit qu'il espère y rester trente ans en tout. Il a un programme, Socialismo Siglo XXI [socialisme du XXIe siècle], fondé sur une interprétation toute personnelle des enseignements de Marx rencontrant les préceptes de Jésus.
Les Vénézuéliens l'ont élu pour la première fois alors que le pays sortait d'une grande révolte populaire, le Caracazo, qui avait fait imploser son système politique. Chávez, militaire et ancien putschiste, gagna l'élection présidentielle de 1998, rompant de fait avec le bipartisme. Il remporta par la suite deux référendums qui lui permirent de réformer la constitution. Deux ans plus tard, en 2000, dans ce nouveau cadre constitutionnel, il fut réélu pour un mandat de six ans.
Durant ces six premières années, Hugo Chávez dut faire face aux assauts d'une opposition qui, à l'époque, refusait les mécanismes démocratiques. Coup d'Etat avorté, grève du secteur pétrolier, boycott des élections législatives, telles furent les manœuvres les plus mémorables de cette opposition. Mais comme un effet boomerang, les actions de l'opposition finirent par renforcer le président vénézuélien tandis qu'il pouvait déjà s'appuyer sur les premiers résultats de ses programmes d'insertion sociale des populations marginalisées et longtemps oubliées.
L'opposition a récemment réussi à se réunifier après avoir perdu, et de 20 points, le référendum révocatoire de 2004, puis boycotté en 2005 les législatives dans l'espoir de discréditer le chavisme. C'est sous un visage démocratique et modéré qu'elle s'est présentée en 2006, avec le candidat présidentiel Manuel Rosales (aujourd'hui réfugié au Pérou et accusé d'enrichissement illicite), qui perdit alors, avec 20 points de retard sur le président sortant. Un an plus tard toutefois, l'opposition vainc cette fois Chávez lors d'un référendum qui propose aux électeurs une nouvelle modification de la constitution devant permettre au leader bolivarien de se faire réélire sans limitation de mandats. Une défaite que le chef de l'Etat ne tarde pas à digérer : il revient à la charge dès 2009 en proposant également la non-limitation des mandats aux gouverneurs et aux maires. Cela lui vaut de rallier autour de lui le large soutien qui lui avait manqué en 2007, et de gagner au passage le droit de se représenter, ce qu'il a fait hier et pense faire jusqu'en 2030.
Evidemment, les Vénézuéliens sont bien conscients que Chávez ne tiendra probablement pas jusqu'en 2030. Ils savent qu'atteint d'un cancer, il a subi trois opérations à La Havane au cours des deux dernières années. Mais si le candidat de l'opposition est apparu plus actif et plus dynamique tout au long de la campagne, le sacrifice de Chávez a certainement joué en faveur d'un vote affectif qui a contribué à sa victoire.
Mais il y a aussi, et surtout, des explications rationnelles à ce résultat électoral. Nul doute, comme l'avance l'opposition, que le Venezuela souffre d'insuffisances gouvernementales, d'une corruption omniprésente, du manque d'investissements, d'une inflation élevée et d'une insécurité marquée. Et l'autorité hyperpersonnelle de Chávez oscille indéniablement entre populisme et autoritarisme.
Mais durant cette campagne, Hugo Chávez a pu affirmer sans travestir la vérité que, sous sa présidence, la pauvreté a été réduite de moitié, de même que l'extrême pauvreté, que l'analphabétisme a disparu du pays et que pour la première fois, infrastructures et droits politiques ont été étendus à de larges pans de la population.
L'opposition a donné ses arguments, et elle a pu le faire en totale liberté, occupant une place importante dans les médias de masse et organisant des manifestations très courues. Son candidat Henrique Capriles, qui se présentait comme appartenant au centre gauche, a assuré qu'il ne reviendrait pas sur les missions de Chávez et les inscrirait même dans la loi. Il a déclaré qu'il ne fallait pas faire cadeau du pétrole à d'autres pays quand les Vénézuéliens en ont besoin. Il a estimé qu'il n'y avait pas à tant se quereller avec les Etats-Unis.
Cette élection présidentielle s'est déroulée dans la transparence et le calme et a été marquée par une participation massive. Et les résultats sont là : le Venezuela a une fois encore choisi Chávez.
COURRIER INTERNATIONAL