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14.10.12

Le taureau, le Valls et la tradition

 La souffrance, la peur et la mort sont des traditions françaises. Si vous avez raté Manuel Valls sur BFM TV à propos de la corrida, on vous repasse la bande.«C’est quelque chose que j’aime, ça fait partie de la culture de ma famille.» Et puis : «Dans un pays en crise, avec des Français qui doutent de leur identité, tout ne peut pas se ressembler.» Et puis : «On a besoin de racines, ne les arrachons pas.»
Dans ma famille, on adore enculer les chèvres. Aussi loin que je me souvienne, je revois mon grand-père dans le jardin le dimanche en train de gamahucher Marie-Françoise. La brave biquette essayait bien de se soustraire aux assauts de papy, mais le vieux faisait bien son quintal et ma grand-mère maintenait fermement Marie-Françoise par les cornes.
J’ai eu ma première chevrette à 6 ans. J’en ai pris, des coups de sabot dans les couilles, avant de pouvoir, moi aussi, honorer l’animal selon la tradition. J’espère que mes enfants, en tout cas mes fils, perpétueront la culture de ma famille.
Ma femme appartient à une autre culture, ce qui ne l’empêche pas d’être fière d’être française. Comme dit le ministre de l’Intérieur, tout ne peut pas se ressembler. C’est pour ça que, lorsqu’elle m’a annoncé son intention d’exciser nos petites filles, je n’ai pas protesté. On a besoin de racines, ne les arrachons pas, me suis-je dit! Arrachons plutôt les clitos des gamines, ils ne servent pas à grand-chose…
Mon voisin du dessus, lui, organise des combats entre des poissons rouges et des pescateros. Un pescatero, c’est un peu comme un torero, mais, lui, son truc, c’est de tuer des poissons rouges. Des poissons rouges de combat, attention. La différence entre un bête poisson rouge et un poisson rouge de combat, c’est que ce dernier est capable de survivre hors de l’eau un bon quart d’heure. Vous voyez le topo, il saute un peu partout de manière spasmodique, et le pescatero, lui, doit éviter les coups de queue de l’animal agonisant. J’ai déjà vu un pescatero touché par le tranchant d’une queue de poiscaille, c’était pas beau à voir. Heureusement, l’artiste (oui, pour moi, c’est autant un athlète de haut niveau qu’un artiste) est armé d’un marteau de maréchal-ferrant. Un bon coup sur la gueule de la bestiole et la corrida est gagnée. C’est en prenant l’apéro avec mon voisin du dessus que j’ai appris à aimer et à comprendre sa culture. Il est originaire d’une région de France que je ne connaissais pas, l’Achepée, qui est, paraît-il, placée sous la protection de sainte Anne.
Comme il a raison, Manuel Valls, de revendiquer sa culture familiale! Quand le pays va mal, quoi de plus réconfortant que de plonger son nez dans la tradition, comme les enfants plongent le leur dans leur doudou. C’est rassurant, un doudou. Il est imprégné de cette bonne odeur de merde, de crasse et de sueur qui est la nôtre. Ceux qui prétendent que ça pue sont les mêmes qui veulent totalement aseptiser notre société. Le spectacle de la souffrance et la mort des autres nous rappellent que nous sommes vivants et que finalement nous n’avons pas trop de raisons de nous plaindre. Moi, le chômage, j’arrive à le supporter parce que j’encule une chèvre tous les dimanches et qu’elle gueule, la pauvre bête, mais elle gueule! Comme si… Comme si on l’enculait, tiens.
Je ne sais pas si la corrida est populaire chez les jeunes d’aujourd’hui, je ne sais pas si, comme Manuel Valls, ils pourront dire plus tard que la corrida fait partie de leur culture familiale. Ils se souviendront bien plus certainement et avec émotion des expulsions de Roms mises en œuvre par le… Comment appelle-t-on celui qui torée les Roms? Le roméador Valls?
Charb