La royauté est morte, vive la République? Des milliers d’Espagnols sont descendus hier soir dans les rues d’une centaine de villes, non pour clamer leur amour du prince Felipe, successeur désigné de Juan Carlos Ier, mais munis de cet avertissement: «Tu ne règneras pas!» Un slogan sans doute trop optimiste mais qui en dit long sur le mouvement de fond qui ébranle l’Espagne.
L’abdication hier de Juan Carlos est la principale réplique d’un autre tremblement de terre: depuis le 25 mai, le binôme Parti populaire – Parti socialiste (PSOE), qui se partage le pouvoir pratiquement depuis la fin de la dictature, est devenu minoritaire dans les urnes. Plus: la gauche radicale, républicaine et fédéraliste, a égalé un PSOE à bout de souffle.
Secoués par une violente crise économique, les Espagnols se cherchent un avenir de plus en plus éloigné des fondamentaux de la fameuse Transition de la fin des années 1970 vers la démocratie. Aux revendications séparatistes en Catalogne et en Euskadi s’ajoute la campagne pour un référendum en faveur de la République. La lutte contre l’impunité des crimes du fascisme et la relecture de l’histoire participent de ce mouvement.
Lui-même vestige de la dictature franquiste, Juan Carlos paraît avoir compris que sa statue vacillait à son tour. Pendant trois décennies, le roi a vécu à l’abri d’un mythe, celui du père de l’Espagne moderne, démocratique, intégrée à l’Europe, voire même progressiste. Symbole, en somme, d’une Transition pacifique, de la réconciliation nationale.
Une réalité largement fantasmée, ni réconciliation ni paix n’ayant marqué les trente-cinq dernières années. Mais surtout, un costume de démocrate bien trop grand pour ce roi formé dès l’enfance sous l’aile du Caudillo et qui n’a pu s’installer au pouvoir, après moult intrigues, que par son allégeance à des pouvoirs bien peu légitimes, technocrates et oligarques de l’ancien régime en première ligne, mais aussi au gouvernement des Etats-Unis avec lesquels il a multiplié les accords qui conduiront l’Espagne vers l’OTAN en 1982.
Face à la poussée du mouvement populaire et au pourrissement du régime, la mission du roi était alors au contraire d’empêcher une démocratisation trop marquée. Maintien des privilèges de l’Eglise, refus du fédéralisme et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, droits sociaux limités, système électoral excluant, la Constitution imposée au peuple en 1978 constitue un moindre mal pour une oligarchie fortifiée par quarante ans de franquisme.
Il faudra la tentative de coup d’Etat de février 1981 pour assoir réellement la carrure d’homme d’Etat de Juan Carlos qui, dans une célèbre intervention télévisée, intime l’ordre aux militaires de rentrer dans leurs casernes. Aujourd’hui pourtant, cette image d’un roi rempart de la démocratie apparaît moins limpide. Certains lui attribuent même un rôle moteur dans ce qui devait n’être qu’un faux putsch pour désamorcer la tentation d’un vrai soulèvement et faire chuter le trop indépendant premier ministre Adolfo Suarez. Ce dernier, adepte d’une politique étrangère non alignée et jugé trop conciliant avec les mouvements sociaux, était dans le viseur des USA, du patronat et du roi depuis des mois. Sa chute fera le lit de l’atlantiste et très modéré socialiste Felipe Gonzalez, père des escadrons de la mort du GAL...
En sommeil depuis, entre parties de chasse et régates à la voile, le roi a soudainement pris conscience que la couronne espagnole ne tient plus qu’à un fil. Reste à voir si une intronisation de «Felipe VI» au pas de charge et en plein été suffira à sauver la Maison Bourbon.
L’abdication hier de Juan Carlos est la principale réplique d’un autre tremblement de terre: depuis le 25 mai, le binôme Parti populaire – Parti socialiste (PSOE), qui se partage le pouvoir pratiquement depuis la fin de la dictature, est devenu minoritaire dans les urnes. Plus: la gauche radicale, républicaine et fédéraliste, a égalé un PSOE à bout de souffle.
Secoués par une violente crise économique, les Espagnols se cherchent un avenir de plus en plus éloigné des fondamentaux de la fameuse Transition de la fin des années 1970 vers la démocratie. Aux revendications séparatistes en Catalogne et en Euskadi s’ajoute la campagne pour un référendum en faveur de la République. La lutte contre l’impunité des crimes du fascisme et la relecture de l’histoire participent de ce mouvement.
Lui-même vestige de la dictature franquiste, Juan Carlos paraît avoir compris que sa statue vacillait à son tour. Pendant trois décennies, le roi a vécu à l’abri d’un mythe, celui du père de l’Espagne moderne, démocratique, intégrée à l’Europe, voire même progressiste. Symbole, en somme, d’une Transition pacifique, de la réconciliation nationale.
Une réalité largement fantasmée, ni réconciliation ni paix n’ayant marqué les trente-cinq dernières années. Mais surtout, un costume de démocrate bien trop grand pour ce roi formé dès l’enfance sous l’aile du Caudillo et qui n’a pu s’installer au pouvoir, après moult intrigues, que par son allégeance à des pouvoirs bien peu légitimes, technocrates et oligarques de l’ancien régime en première ligne, mais aussi au gouvernement des Etats-Unis avec lesquels il a multiplié les accords qui conduiront l’Espagne vers l’OTAN en 1982.
Face à la poussée du mouvement populaire et au pourrissement du régime, la mission du roi était alors au contraire d’empêcher une démocratisation trop marquée. Maintien des privilèges de l’Eglise, refus du fédéralisme et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, droits sociaux limités, système électoral excluant, la Constitution imposée au peuple en 1978 constitue un moindre mal pour une oligarchie fortifiée par quarante ans de franquisme.
Il faudra la tentative de coup d’Etat de février 1981 pour assoir réellement la carrure d’homme d’Etat de Juan Carlos qui, dans une célèbre intervention télévisée, intime l’ordre aux militaires de rentrer dans leurs casernes. Aujourd’hui pourtant, cette image d’un roi rempart de la démocratie apparaît moins limpide. Certains lui attribuent même un rôle moteur dans ce qui devait n’être qu’un faux putsch pour désamorcer la tentation d’un vrai soulèvement et faire chuter le trop indépendant premier ministre Adolfo Suarez. Ce dernier, adepte d’une politique étrangère non alignée et jugé trop conciliant avec les mouvements sociaux, était dans le viseur des USA, du patronat et du roi depuis des mois. Sa chute fera le lit de l’atlantiste et très modéré socialiste Felipe Gonzalez, père des escadrons de la mort du GAL...
En sommeil depuis, entre parties de chasse et régates à la voile, le roi a soudainement pris conscience que la couronne espagnole ne tient plus qu’à un fil. Reste à voir si une intronisation de «Felipe VI» au pas de charge et en plein été suffira à sauver la Maison Bourbon.
Le Courrier - Suisse