A force de tourner autour du pot sur la condition de mortel de Mandela, on
encourage les faiseurs de mythes idiots, ces "spécialistes" autoproclamés de
l'Afrique du Sud qui n'y vivent même pas.
Certains d'entre eux se couvrent de ridicule en faisant croire à un démantèlement du pays à la mort de l'ancien Président. Une version encore plus raffinée a été publiée par le quotidien britannique The Telegraph, sous la plume de David Blair"Tant qu'il est encore là, écrivait Blair, les Sud-Africains estiment que leurs dirigeants actuels respecteront peut-être un peu mieux les principes qui ont présidé à la renaissance de la nation il y a 18 ans. Les étrangers ne le comprennent pas vraiment, mais Mandela s'en porte toujours garant, avec tout ce que cela comporte comme promesses et idéalisme".
Certains d'entre eux se couvrent de ridicule en faisant croire à un démantèlement du pays à la mort de l'ancien Président. Une version encore plus raffinée a été publiée par le quotidien britannique The Telegraph, sous la plume de David Blair"Tant qu'il est encore là, écrivait Blair, les Sud-Africains estiment que leurs dirigeants actuels respecteront peut-être un peu mieux les principes qui ont présidé à la renaissance de la nation il y a 18 ans. Les étrangers ne le comprennent pas vraiment, mais Mandela s'en porte toujours garant, avec tout ce que cela comporte comme promesses et idéalisme".
Eh bien ! Je suis Sud-Africain et je ne crois pas à cette thèse. Franchement,
M. Blair, je crains que vous ne disiez des bêtises. Mandela a quitté la vie
politique il y a de cela quelques années. Depuis, il n'y joue pratiquement plus
aucun rôle. Notre pays reste uni non pas grâce au Nelson Mandela actuel, mais à
ce qu'il avait fait durant toute sa vie, une vie qui aujourd'hui, tristement
mais inévitablement, arrive doucement à son terme. L'intégrité de l'Afrique du
Sud reste préservée également parce que nous vivons dans une démocratie
constitutionnelle qui marche plus ou moins, mettant en présence d'innombrables
forces qui se contrebalancent les unes les autres : syndicats, organisations
militantes de la société civile, partis d'opposition, entreprises, tous plus
puissants les uns que les autres, ainsi que les quelques bons éléments qui
restent dans l'African National Congress (ANC), quelques tribunaux efficaces et
une presse libre et dynamique.
Rien n'est garanti. L'Afrique du Sud peut tout aussi bien tomber dans un
gouffre - et un autre mandat pour le Président Zuma en accroît le risque - mais
à mon avis, cela est peu probable. Néanmoins, que l'Afrique du Sud demeure
prospère ou se désintègre ou -scénario le plus vraisemblable - continue
simplement d'avancer cahin-caha, ne dépend pas du fait que l'ancien président
soit en vie ou non.
Un grand homme qui s'est parfois trompé
Nelson Mandela est un grand homme, l'un des plus grands de ces 100 dernières
années. Malgré une jeunesse passée dans un milieu rural à l'horizon limité, il
s'est fortement investi dans ses études et est devenu l'Africain le plus
respecté de tous les temps. Il a passé 27 années derrières les barreaux pour
avoir défendu ses principes, mais il a pardonné à ceux qui l'avaient jeté en
prison, et a utilisé son autorité pour empêcher la guerre civile. Il a contribué
à mettre fin à l'apartheid et à la transformation de l'Afrique du Sud en une
démocratie assez stable malgré ses défaillances. L'Histoire n'est pas le produit
des actions d'un seul individu, mais il est fort possible que sans Mandela, la
stabilisation politique n'aurait pas eu lieu et que le pays serait tombé dans le
chaos.
Pourtant, Mandela est un être humain, et il a commis des erreurs. Comme
toutes les grandes figures qui doivent prendre de nombreuses décisions
extrêmement difficiles tout au long de leur vie, il s'est parfois lourdement
trompé. La manière dont il a traité l'épidémie du sida dans les années 90 et son
passage de témoin à Thabo Mbeki [président sud-africain de 1999 à 2008], en
constituent les exemples les plus malheureux. Il s'en est rendu compte pour la
lutte contre le sida et s'en est excusé. Pour Mbeki, il en a apparemment pris
conscience plus tard. Sa décision d'engager l'ANC dans la lutte armée restera à
jamais controversée. Mais tout compte fait, sa grandeur dépasse de très très
loin ses fautes.
Il n'en reste pas moins que Nelson Mandela est un mortel. C'est également un
homme âgé. Il a 94 ans, et est à l'évidence de santé fragile. Ce sera peut-être
dans 10 ans, 5 ans, en 2013 ou même dans les semaines à venir, mais
inexorablement, sans l'ombre d'un doute et comme nous tous, il va mourir.
Qui plus est, la plupart des personnes d'un âge très avancé commencent à
perdre leurs facultés mentales. Il est temps que quelqu'un l'exprime
publiquement. Après tout, la plupart d'entre nous le murmurent déjà en privé :
Madiba est en train de perdre ses facultés mentales. Seuls ses proches savent
jusqu'à quel point mais nous savons tous, à certains signes manifestés en
public, que cela est vrai et semble fort grave. C'est triste, mais il n'y a rien
de honteux ni d'embarrassant. Son héritage n'en est en rien terni.