Travail au noir, achats non déclarés... Au Portugal, l'économie "souterraine" représentait fin 2013 environ un cinquième du PIB national, bien au-delà de la moyenne européenne, estimée à 7%.
Pour lutter contre ce fléau qui soustrait chaque année 31 milliards d'euros aux taxes, le gouvernement portugais a décidé d'utiliser un moyen inédit : une loterie hebdomadaire dont les tickets de participation seront constitués par les factures de toutes sortes de commerces. L'initiative vise ainsi à inciter les Portugais à systématiquement réclamer à leurs commerçants une facture, sur laquelle doit figurer leur numéro d'identité fiscale. Le lot du jeu : 60 voitures haut de gamme par an. Le premier tirage au sort, télévisé, aura lieu le 17 avril.
L'objectif : réduire le déficit
Dénommée "factura da sorte" devrait ainsi aider à réduire le déficit. Le gouvernement conservateur espère notamment induire une augmentation de 50% des achats déclarés en 2014, soit 2 milliards de factures enregistrées de plus qu'en 2013. Les gains résultants de la loterie pourraient donc aller bien au-delà du coût global des voitures mises en jeu, d'environ 90.000 euros chacune, explique le Financial Times.
Grâce à l'annonce du programme, le gouvernement affirme d'ailleurs qu'en janvier le nombre de factures a augmenté de 45%.
Ce succès serait "le signe d'un niveau croissant d'adhésion de la part des consommateurs à la lutte contre l'économie parallèle", selon le secrétaire d'Etat chargé de l'administration fiscale, Paulo Nuncio.
Mais le gouvernement parie aussi sur l'appétit pour les jeux des Portugais, qui sont parmi les Européens qui dépensent le plus à l'Euro Millions.
Des instruments similaires ont d'ailleurs déjà été expérimentés au Brésil, en Argentine, en Colombie, à Puerto Rico, à Taiwan et, dans la zone euro, en Slovakie.
Une stratégie critiquée
Malgré l'argent qu'elles sont censées rapporter à l'Etat, les "factures de la chance" ont toutefois fait l'objet de diverses critiques au Portugal. Si certains s'inquiètent de voir les consommateurs transformés en agents du fisc, d'autres s'interrogent sur l'utilisation que pourra faire l'administration fiscale des nombreuses données privées ainsi récupérées sur les achats personnels.
Les petits commerces soulignent la perte de temps et de productivité engendrée par l'émission de ces factures, qui devront chacune indiquer l'identité fiscale de l'acheteur. Les écologistes soulignent le caractère polluant des voitures mises en jeu, les nationalistes regrettent qu'il s'agisse de véhicules produits à l'étranger, alors que le Portugal mise justement sur ses exportations pour sortir de la crise.
Une mesure parmi d'autres
Les experts observent d'ailleurs qu'en situation de crise les citoyens pourraient continuer à préférer les avantages de l'évasion aux prix de la loterie.
Dans le cadre du plan de sauvetage de 78 milliards du Portugal, le gouvernement a toutefois mis en place d'autres mesures pour lutter contre l'évasion fiscale, comme le développement de la facturation électronique, le recrutement de nouveaux agents des impôts ou l'introduction d'un petit rabais fiscal sur présentation de factures. Il espère ainsi, à moyen terme, récolter de 600 à 800 millions d'euros de recettes supplémentaires, explique l'agence Reuters.
La Tribune - France
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