Les Vénézuéliens
ont voté, Chávez l'a emporté. Voilà qui clôt le feuilleton des sondages, des
pronostics et des anecdotes. Et si Chávez a gagné, ça n'est sans doute pas pour
rien.
Les Vénézuéliens
le connaissent suffisamment bien. Il est à la tête du pays depuis treize ans et
dit qu'il espère y rester trente ans en tout. Il a un programme, Socialismo
Siglo XXI [socialisme du XXIe siècle], fondé sur une interprétation toute
personnelle des enseignements de Marx rencontrant les préceptes de
Jésus.
Les Vénézuéliens
l'ont élu pour la première fois alors que le pays sortait d'une grande révolte
populaire, le Caracazo, qui avait fait imploser son système politique. Chávez,
militaire et ancien putschiste, gagna l'élection présidentielle de 1998, rompant
de fait avec le bipartisme. Il remporta par la suite deux référendums qui lui
permirent de réformer la constitution. Deux ans plus tard, en 2000, dans ce
nouveau cadre constitutionnel, il fut réélu pour un mandat de six ans.
Durant ces six
premières années, Hugo Chávez dut faire face aux assauts d'une opposition qui, à
l'époque, refusait les mécanismes démocratiques. Coup d'Etat avorté, grève du
secteur pétrolier, boycott des élections législatives, telles furent les
manœuvres les plus mémorables de cette opposition. Mais comme un effet
boomerang, les actions de l'opposition finirent par renforcer le président
vénézuélien tandis qu'il pouvait déjà s'appuyer sur les premiers résultats de
ses programmes d'insertion sociale des populations marginalisées et longtemps
oubliées.
L'opposition a
récemment réussi à se réunifier après avoir perdu, et de 20 points, le
référendum révocatoire de 2004, puis boycotté en 2005 les législatives dans
l'espoir de discréditer le chavisme. C'est sous un visage démocratique et modéré
qu'elle s'est présentée en 2006, avec le candidat présidentiel Manuel Rosales
(aujourd'hui réfugié au Pérou et accusé d'enrichissement illicite), qui perdit
alors, avec 20 points de retard sur le président sortant. Un an plus tard
toutefois, l'opposition vainc cette fois Chávez lors d'un référendum qui propose
aux électeurs une nouvelle modification de la constitution devant permettre au
leader bolivarien de se faire réélire sans limitation de mandats. Une défaite
que le chef de l'Etat ne tarde pas à digérer : il revient à la charge dès 2009
en proposant également la non-limitation des mandats aux gouverneurs et aux
maires. Cela lui vaut de rallier autour de lui le large soutien qui lui avait
manqué en 2007, et de gagner au passage le droit de se représenter, ce qu'il a
fait hier et pense faire jusqu'en 2030.
Evidemment, les
Vénézuéliens sont bien conscients que Chávez ne tiendra probablement pas
jusqu'en 2030. Ils savent qu'atteint d'un cancer, il a subi trois opérations à
La Havane au cours des deux dernières années. Mais si le candidat de
l'opposition est apparu plus actif et plus dynamique tout au long de la
campagne, le sacrifice de Chávez a certainement joué en faveur d'un vote
affectif qui a contribué à sa victoire.
Mais il y a
aussi, et surtout, des explications rationnelles à ce résultat électoral. Nul
doute, comme l'avance l'opposition, que le Venezuela souffre d'insuffisances
gouvernementales, d'une corruption omniprésente, du manque d'investissements,
d'une inflation élevée et d'une insécurité marquée. Et l'autorité
hyperpersonnelle de Chávez oscille indéniablement entre populisme et
autoritarisme.
Mais durant
cette campagne, Hugo Chávez a pu affirmer sans travestir la vérité que, sous sa
présidence, la pauvreté a été réduite de moitié, de même que l'extrême pauvreté,
que l'analphabétisme a disparu du pays et que pour la première fois,
infrastructures et droits politiques ont été étendus à de larges pans de la
population.
L'opposition a
donné ses arguments, et elle a pu le faire en totale liberté, occupant une place
importante dans les médias de masse et organisant des manifestations très
courues. Son candidat Henrique Capriles, qui se présentait comme appartenant au
centre gauche, a assuré qu'il ne reviendrait pas sur les missions de Chávez et
les inscrirait même dans la loi. Il a déclaré qu'il ne fallait pas faire cadeau
du pétrole à d'autres pays quand les Vénézuéliens en ont besoin. Il a estimé
qu'il n'y avait pas à tant se quereller avec les Etats-Unis.
Cette élection
présidentielle s'est déroulée dans la transparence et le calme et a été marquée
par une participation massive. Et les résultats sont là : le Venezuela a une
fois encore choisi Chávez.
COURRIER
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