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15.6.13

Iran • Malgré les mollahs, la révolution sexuelle

—Dessin de Mana Neyestani (Iran) extrait de son recueil “Tout va bien !”, paru aux Editions çà et là (Paris, 2013).

Lorsqu’on évoque l’Iran, quelles images viennent à l’esprit ? Les ayatollahs ? le fanatisme religieux ? les femmes voilées ? A priori, on ne penserait pas “révolution sexuelle”. Et pourtant…
Ces trente dernières années, tandis que les médias occidentaux se préoccupaient des orientations radicales de la République islamique, le pays a subi une profonde transformation sociale et culturelle. Même si elle n’est en soi ni positive ni négative, la révolution sexuelle iranienne est incontestablement sans précédent. Les mentalités ont tellement changé durant les dernières décennies que de nombreux expatriés iraniens sont stupéfaits lorsqu’ils visitent le pays. Par les temps qui courent, Londres a l’air d’une ville conservatrice par rapport à Téhéran”, m’a confié un ami après son retour de la capitale iranienne.

Certes, on ne trouve pas facilement de données fiables sur le comportement sexuel des Iraniens. Mais les statistiques officielles de la République islamique sont très révélatrices. La baisse du taux de natalité, par exemple, traduit un recours plus fréquent aux contraceptifs et à d’autres formes de planning familial – ainsi qu’un recul du rôle traditionnel de la famille. Au cours des deux dernières décennies, le pays a connu la plus forte baisse de fécondité jamais enregistrée. Entre-temps, le taux de croissance de la population iranienne a plongé de 3,9 % en 1986 à 1,2 % en 2012 – cela en dépit du fait que plus de la moitié des Iraniens ont moins de 35 ans.

Simultanément, l’âge moyen du mariage est passé pour les hommes de 20 à 28 ans ces trente dernières années, tandis que les Iraniennes se marient désormais entre 24 et 30 ans. Quelque 40 % des adultes en âge de se marier sont actuellement célibataires. Parallèlement, le taux de divorce a été multiplié par trois, passant de 50 000 divorces déclarés en l’an 2000 à 150 000 en 2010. Actuellement, on dénombre 1 divorce pour 3,76 mariages – un taux presque comparable à celui de la Grande-Bretagne.

Selon une étude citée par un haut fonctionnaire du ministère de la Jeunesse en décembre 2008, la majorité des hommes interrogés reconnaissent avoir eu une relation sexuelle avec au moins une personne du sexe opposé avant le mariage. Toutefois, environ 13 % de ces relations “illicites” ont abouti à une grossesse non désirée et à un avortement – des chiffres qui, bien que modestes, auraient été impensables il y a une génération.

Entre-temps, la prostitution a décollé au cours des deux dernières décennies. Au début des années 1990, les prostitué(e)s étaient pratiquement invisibles, obligé(e)s d’exercer leur activité dans une totale clandestinité. Aujourd’hui, dans de ­nombreuses villes, la prostitution fait partie du décor. Souvent, les travailleurs du sexe racolent dans certaines rues, attendant que les clients de passage fassent leur choix.

Et certains chiffres indiquent que 10 % à 12 % des prostituées iraniennes sont mariées. Ce qui est d’autant plus étonnant que tous les travailleurs du sexe en Iran ne sont pas des femmes : une nouvelle étude confirme que des femmes d’un certain âge en bonne santé, ainsi que de jeunes femmes instruites en quête d’amours tarifées, font appel aux services d’hommes prostitués.
 
COURRIER INTERNATIONAL