La nomination, cette semaine, de Clifford Sloan à la tête de
l’Office of Guantanamo Closure (bureau chargé de la fermeture de Guantanamo)
témoigne d’une volonté nouvelle du gouvernement de fermer le centre de
détention.
Sloan, un éminent avocat de Washington, se chargera, au sein
du Département d’Etat, du renvoi dans leurs pays d’origine de tous les
prisonniers dont le transfert a été autorisé. Il négociera également avec les
législateurs pour modifier les lois qui interdisent actuellement à la
Maison-Blanche de rapatrier les derniers détenus sur le sol américain pour être
jugés et incarcérés.
Le Président Obama aurait choisi Clifford Sloan pour sa
capacité à travailler avec les différentes branches du gouvernement, le Congrès,
la Maison-Blanche et la Cour Suprême. Le poste était occupé précédemment par Dan
Fried, qui a facilité le transfert de 67 prisonniers. Obama l’avait muté en
janvier, ce qui avait entraîné la disparition du bureau de fermeture de
Guantanamo. Puis en mai, le président a prononcé un discours à l’Université de
la défense nationale, où il a tenu à réaffirmer son engagement à fermer le
centre de détention controversé, situé sur l’île de Cuba. Et voilà
qu'aujourd'hui il annonce l’arrivée de Sloan.
“Cela signifie que la question est relancée, se félicite Ken
Gude, vice-président du Center for American Progress, un think tank de gauche.
L’une des premières mesures à prendre sera de trouver un lieu de chute pour les
86 détenus libérables, ce qui était pratiquement impossible en l’absence d’un
responsable chargé du dossier.”
La visite d’une délégation sénatoriale au centre de détention
en juin montre que le dialogue a été renoué entre la Maison-Blanche et le
Congrès.
Un précédent avorté
Néanmoins, au moins une nouvelle tentative de faire de la
fermeture une réalité a d’ores et déjà échoué au Congrès. Le député démocrate de
Virginie, Jim Moran, qui a travaillé étroitement avec le gouvernement Obama en
2009 lors des premiers efforts de fermeture de Guantanamo, a déposé courant juin
quatre amendements de manière à débloquer la situation. S’ils avaient été
adoptés, il aurait alors été possible de libérer ou de déplacer les prisonniers
capturés avant le 21 décembre 2005.
Moran lui-même devrait faire le voyage à Guantanamo à la fin
de l’été avec son homologue républicain de Virginie, Frank Wolf, fer de lance en
2009 de la campagne visant à empêcher la venue des détenus sur le territoire
américain. Ce fut à l’époque l’un des plus gros revers essuyés par le
Président.
Obama, une détermination vacillante
Mais même si le Congrès joue un rôle essentiel, Obama
pourrait faire plus d’efforts, estiment certains. Aux termes de la National
Defense Association Act, loi de 2012 limitant le déplacement des détenus de
Guantanamo, le Président est habilité à signer des dispenses lui permettant de
libérer ceux qui peuvent l’être.
“Le plus surprenant pour nous tous, c'est qu'Obama ne cesse
de tenir le Congrès pour responsable de sa propre inaction, commente Michael
Ratner, un avocat défendant de nombreux détenus de Guantanamo. Mais il a le
pouvoir de procéder dès maintenant aux transferts. La loi a certes été votée par
le Congrès, mais il suffit à Obama de signer une dispense pour que l’opération
puisse démarrer immédiatement.”
Ratner doute de la capacité du Bureau de fermeture de
Guantanamo à soutenir la détermination parfois vacillante d’Obama.
“On l’a déjà vu. Obama s’est débarrassé de Greg Craig, alors
on a eu Dan Fried, et une fois le Président reconduit à la Maison-Blanche, le
bureau de fermeture de Guantanamo a été supprimé. Obama ne l’a fait renaître de
ses cendres qu’à la suite de la grève de la faim observée par de nombreux
détenus du centre de détention. Reste à savoir si Sloan se montrera plus actif
que Fried.”
COURRIER INTERNATIONAL