L'opération s'est déroulée dans la plus grande discrétion. Lundi matin, 6
heures, le maire de Montréal, Michael Applebaum, a été arrêté à son domicile.
Seuls une poignée de policiers avaient été mis dans la confidence. L'élu,
interpellé en même temps que deux autres hommes publics, va être entendu dans la
journée par l'Unité permanente anticorruption à propos d'une vaste affaire de
corruption qui empoisonne le Québec depuis plusieurs années.
Selon les révélations de la presse québécoise, qui multiplie les articles à
ce sujet depuis 2009, l'industrie locale de la construction est gangrenée par la
mafia sicilienne, qui verse en retour de multiples pots-de-vin aux élus
municipaux. Le scandale a entraîné, en 2012, la formation d'une commission
publique d'enquête, dite
commission Charbonneau, chargée de tirer au clair la réalité de ce système
de corruption. Et les premières révélations sont explosives.
Des camionnettes pleines de cadeaux pour les fonctionnaires
L'un des plus gros entrepreneurs de la province, Lino Zambito, a ainsi confié en octobre comment certaines
entreprises du BTP se sont regroupées en cartel pour s'assurer, à coups
d'intimidations contre les sociétés indépendantes, l'octroi de la totalité des
marchés publics. Le cartel devait reverser, en espèces, 2,5% du montant des
contrats à la mafia sicilienne, 3% au parti politique du maire de Montréal alors
en exercice, Gérard Tremblay, et 1% à un ingénieur corrompu de la ville. Ce
coûteux système de pots-de-vin avait entraîné, selon l'entrepreneur, un
gonflement des factures de l'ordre de 20%.
D'autres fonctionnaires corrompus ont avoué avoir touché illégalement 500.000
dollars au cours de leur carrière. L'un d'entre eux a raconté devant la
commission comment des camionnettes pleines de cadeaux pour les fonctionnaires
se rendaient «deux à trois fois par jour» à l'Hôtel de Ville à l'approche de
Noël. «Je me réjouissais de l'arrivée d'un nouvel entrepreneur à Montréal: plus
de cadeaux à Noël!», a confié celui qui a aussi pu bénéficier de voyages luxueux
dans les Caraïbes payés par la mafia. Selon ce fonctionnaire, la corruption
faisait partie de la «culture d'entreprise» de la municipalité.
Perquisitions au précédent poste d'Applebaum
Le dévoilement de l'existence de ce système de financement illégal des partis
politiques québécois a entraîné la démission du maire de Montréal, Gérald Tremblay, en novembre
2012. Ce dernier avait été remplacé par Michael Applebaum, qui devait assurer
l'intérim jusqu'aux prochaines élections municipales, prévues en novembre.
On ignore pour le moment les raisons pour lesquelles Michael Applebaum a été
arrêté. L'unité anticorruption avait mené, il y a quelques semaines, plusieurs perquisitions à l'hôtel de ville de Montréal, au
siège d'Union Montréal, parti dissous de Tremblay et Applebaum, et au bureau de
l'arrondissement Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce, dirigé jusqu'à cet automne par Michael Applebaum.
LE FIGARO