Dans les serres
andalouses, c’est la consternation. Les chargements de concombres s’accumulent.
Les stocks sont expédiés au compost et les légumes pourrissent sur pied. Plus la
peine de cueillir si personne n’achète. Et quid des poivrons, laitues, tomates
ou courgettes ? La «crise du concombre» menace toute la production agricole du
pays.
«On est
accusé sans preuves et sans moyens de se défendre, s’insurge Gil Vidal,
agriculteur d’Almería. J’ai trente ouvriers, on devrait être en pleine
campagne et je n’ai plus de travail pour eux.» Pour lui, le cauchemar a
commencé il y a six jours, lorsqu’un laboratoire de Hambourg a désigné comme
origine de l’infection alimentaire mortelle frappant l’Allemagne et les pays
alentours un chargement de concombres livrés par l’entreprise Frunet, producteur
et distributeur de primeurs écologiques, située à Algarrobo, près de
Málaga.
Mise au
pilori. Dans la foulée, l’ensemble de la production espagnole est
suspecté. Après avoir désigné l’ennemi, les autorités allemandes modulent les
accusations… mais bloquent toujours la distribution de concombres ibériques. La
Belgique, l’Autriche ou la République tchèque suivent. L’Italie a, elle, saisi
1,6 tonne de concombres espagnols pour analyses. La méfiance des consommateurs
fait le reste. Madrid proteste auprès de Bruxelles contre cette mise au pilori,
demandant des explications et des compensations.
C’est une
catastrophe pour le secteur qui exporte près de 90% de sa production.
«Inutile de s’expliquer ou de raisonner, le mal est fait. On est coupable
d’avance, le "Ici on ne
vend pas de produits espagnols" accrochés aux étals des marchés allemands parle
de lui-même», affirme Jorge Brotons, président de la
fédération espagnole des producteurs-exportateurs de fruits et légumes.
Pourtant, le même laboratoire de Hambourg qui avait désigné il y a une semaine
la cucurbitacée andalouse comme probable point d’origine de l’infection a fait
marche arrière. Il a publié hier des résultats d’analyses admettant que la
souche de E.coli repérée sur les concombres espagnols ne correspond pas
à la variante virulente à l’origine des décès en en Allemagne et en Suède. Il
n’y a donc toujours aucune preuve que le mal vient
d’Espagne.
Présenter la note. En Andalousie, on espère
entrevoir la fin du tunnel. Les agriculteurs font leurs comptes : ils chiffrent
à près de 200 millions d’euros par semaine leurs pertes et calculent que 25 000
emplois sont menacés. La ministre de l’Agriculture espagnole, Rosa Aguilar, a
demandé à l’Union européenne la mise en place de mesures «extraordinaires et
urgentes». Les producteurs ont annoncé qu’ils présenteraient la note à
Bruxelles : «Quelle que soit l’issue, le mal est fait. Nous demandons une
compensation pour ces pertes.» Une compensation «au prix du
marché», disent-ils, et non au tarif prévu en cas de crise, soit 3 centimes
par kilo. Ils souhaitent aussi qu’en cas de retrait de leurs produits du marché,
la production concernée ne soit pas détruite mais puisse être donnée à des
organisations caritatives.