Signifie: La fin du service militaire (pour un appelé).
La libération (pour un prisonnier).
Origine: Maintenant que le service militaire obligatoire n'existe plus, les jeunes Français ne peuvent plus connaître la joie des travaux de nettoyage des toilettes, de balayage des couloirs ou de peinture des bordures de trottoirs.
Ils ne peuvent pas non plus goûter aux activités viriles comme le parcours du combattant ou la course sur vingt kilomètres en treillis et rangers en portant un sac à dos plein de pierres.
Enfin, ils ne peuvent plus apprécier les manifestations de franche et juvénile camaraderie comme le lit en portefeuille ou le seau d'eau pris en pleine poire pendant le sommeil, par exemple.
Du coup, il ne savent pas non plus ce qu'est le plaisir de décompter laborieusement les jours qui restent avant la fin du service, cette fameuse 'quille' que tout appelé normalement constitué fête avec un immense bonheur.
Mais pourquoi appelle-t-on 'quille' ce retour tant attendu à la vie civile ?
Autrefois, lorsqu'on était prisonnier (parce que pour ces gens-là aussi, la libération c'est la quille) ou bidasse, le décompte des jours restant se faisait à l'aide de bâtons tracés sur des support divers.
Il est alors aisé d'imaginer comparer ces bâtons, droits comme des I et placés côte à côte, à des quilles qui sont éliminées une par une, jusqu'à ce que la dernière, LA quille subisse enfin le même sort.
Voilà pour la première hypothèse.
À l'époque où cette locution est apparue, en 1936, il était courant pour la hiérarchie militaire, paraît-il, de tenter de limiter les ardeurs sexuelles des jeunes et bouillants appelés en mêlant à leur alimentation du bromure de potassium, produit anaphrodisiaque par excellence.
La fin du service militaire était donc, pour les militaires libérés, la promesse du retour d'une véritable et belle érection, une grosse 'quille', pour les plus modestes[1].
L'expression 'la quille bordel !', maintes fois proférée, pourrait d'ailleurs être une confirmation de cette hypothèse, cette virilité retrouvée permettant effectivement d'aller fréquenter avec efficacité un tel lieu de débauche.
On peut encore ajouter trois pistes parmi les moins capillotractées :
Vers 1900, le verbe 'quiller' signifiait 'abandonner', 'quitter' ou 'partir'. 'Quille' pourrait donc être un subtantif tiré de ce verbe pour désigner le départ.
Il pourrait aussi y avoir un lien avec l'argotique 'quille' qui désigne aussi une bouteille ("une quille de roteux"), le genre de récipient que le libéré va enfin s'empresser de vider avec joie une fois son paquetage rendu.
Enfin, au milieu du XIXe siècle, "jouer des quilles" c'était "s'enfuir", les 'quilles' désignant les jambes. Alors y aurait-il un lien avec ces quilles que l'appelé s'empresse d'utiliser pour fuir son lieu de casernement ?