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29.11.14

Marine Lepen

Marine Le Pen à Calais, le 24 octobre 2014 - AFP/Philippe Huguen
Il n'y a pas de changement sans perte. Mais le monde change, et il faut prendre position. En général, les gens d'un certain âge voient le changement d'un œil sceptique, quand les jeunes sont plus optimistes. Cela tient au fait que les premiers ont plus à perdre ; les choses auxquelles ils tenaient et attachaient de l'importance s'en vont et ils ne se rendent compte de leur valeur que lorsqu'elles disparaissent. Les seconds peuvent encore se focaliser sur les bénéfices du changement. “Time is on my side” : le temps joue pour nous.

Mais, lorsque les gens qui ont le sentiment que le temps joue contre eux, parce que le pays fait fausse route, deviennent trop nombreux, lorsque ce sentiment se transforme en état, il fait naître une force puissante. Une volonté de changement. Une lame de fond.

Une génération dépossédée de son avenir
Cette lame de fond pourrait porter Marine Le Pen à l'Elysée en 2017. Rebattant ainsi les cartes de la politique européenne. On s'aperçoit premièrement que, depuis la crise financière, l'euro n'a plus l'aura d'une success story dans les esprits. Le nombre de citoyens qui se sentent lésés, laissés pour compte, dépossédés et qui ont le sentiment que la classe politique fait fausse route est en hausse dans la plupart des pays européens, ce qui s'est presque traduit partout par une montée en puissance des mouvements populistes et eurosceptiques.
On constate ensuite que le fossé économique se creuse entre les pays du Nord et du Sud. La preuve la plus spectaculaire en est fournie par le taux de chômage des jeunes dans les pays du Sud, parmi lesquels beaucoup de pays naguère puissants et fiers – et parce que cela dure depuis maintenant plusieurs années, on ne peut plus parler de simple “épisode”. On dépossède ici une génération de son avenir, on fabrique une génération de perdants, l'ordre naturel des choses se voit chamboulé. Qui s'y oppose ? Ce sont là aussi des dettes qu'il faudra payer un jour.
Enfin, troisième point, on s'aperçoit que l'Hexagone est durement touché par ce phénomène. Après la Seconde Guerre mondiale, il a formé, avec l'Allemagne, l'axe de l'intégration européenne. Aujourd'hui, une grande majorité de Français ont une piètre opinion de l'euro et de l'Union européenne, et la plupart jugent la situation économique du pays mauvaise. Les deux présidents, de droite puis de gauche, qui se sont succédé aux responsabilités n'ont pas su régler le problème – et l'un comme l'autre ont, qui plus est, passablement écorné la crédibilité de leur camp par des politiques bancales et extrêmement versatiles. Qui croit encore la droite et la gauche françaises lorsqu'elles disent connaître le chemin vers des lendemains qui chantent ?
Maîtres chez eux 
Ces dernières années, l'image de la “grande nation” a été constamment mise à mal. Pour Marine Le Pen, ces années-là furent celles du triomphe. Aux dernières élections européennes, son parti a recueilli la majorité des suffrages. Le Pen promet à la nation une "renaissance", veut que les Français soient à nouveau "maîtres chez eux". Elle a gommé l'étiquette extrémiste du Front national pour en faire une formation populiste. Sa première revendication est la récupération de la souveraineté nationale sur les lois, les frontières et la monnaie – en un mot, la mise en place d'un néogaullisme.
Après six années de crise financière, ce projet parle aux Français, bien au-delà de la frange des laissés-pour-compte, séduisant les milieux bourgeois et ouvriers. Il trouve un écho partout où règne le sentiment que le pays part à vau-l'eau à cause de l'Europe, de l'euro et de l'immigration. La plupart des Français jugent que le Front national ne représente plus un danger pour la démocratie – ce qui veut dire ni plus ni moins que Marine Le Pen, contrairement à son père Jean-Marie face à Jacques Chirac en 2002, pourrait sortir victorieuse d'un duel au sommet en 2017.