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États-Unis - L’agonie d’un condamné à mort

Chaise électrique au musée de la Prison de Huntsville au Texas (Photo AFP/Fanny Carrier)
Chaise électrique au musée de la Prison de Huntsville au Texas (Photo AFP/Fanny Carrier)
Note de la rédaction : Alan Johnson, correspondant du Dispatch, a été témoin de l’exécution du 16 janvier.

De Lucasville, dans l’Ohio – Dennis McGuire s’est débattu. Il a étouffé et renâclé, le souffle court, avant de succomber.

C’est une nouvelle méthode d’exécution, qui utilise deux produits, et la procédure, qui a duré vingt-quatre minutes, a été “un échec, une expérience atroce entreprise par l’Etat de l’Ohio,” a déclaré Allen Bohnert, avocat commis d’office qui a assuré la défense de McGuire. “Les habitants de l’Etat de l’Ohio devraient être horrifiés par ce qui a été commis en leur nom.”

Le décès de McGuire, à 10 h 53 par injection létale, semble avoir été marqué par le “manque d’air” qui, comme le craignaient ses avocats, a été la conséquence de cette combinaison de produits utilisée pour la première fois lors d’une exécution aux Etats-Unis. “Il s’est passé ce que nous avions annoncé à la cour”, affirme Bohnert, qui a refusé de dire si, selon lui, McGuire avait souffert. Tout comme il n’a pas voulu spéculer sur une éventuelle action en justice conformément à la Constitution, qui interdit tout châtiment cruel et inhabituel.

Environ quatre minutes après avoir reçu l’injection (à 10 h 29), McGuire a commencé à se débattre et à suffoquer bruyamment, s’étouffant et s’étranglant manifestement pendant au moins dix minutes. Sa poitrine s’est soulevée et son poing gauche s’est serré tandis qu’il poussait des grondements sourds. Puis, dans les minutes qui ont précédé la constatation officielle de son décès, il est resté tranquille.

Les familles témoins de l’agonie du condamné à mort

Les enfants adultes de McGuire, Amber et Dennis, ainsi que son épouse étaient parmi les personnes qui ont assisté à l’exécution dans une petite pièce sans fenêtre de la prison de haute sécurité de Lucasville, dans l’Ohio. Tous trois se sont pris par le bras et ont pleuré pendant la procédure.

Joy Stewart, de West Alexandria, une petite ville à une trentaine de kilomètres de Dayton, avait 22 ans [en 1989]. Elle était enceinte de plus de sept mois quand McGuire l’a violée, étouffée, puis lui a tranché la gorge si brutalement qu’il lui a sectionné à la fois la carotide et la jugulaire. L’enfant qu’elle portait est mort avec elle, dans les bois de la région rurale du comté de Preble, où son corps a été retrouvé le lendemain par deux randonneurs.

“Nous avons attendu longtemps. La mort de Joy a été l’épreuve la plus terrible que notre famille ait vécue, ont expliqué ses proches dans une déclaration de trois paragraphes. Les produits qui vont être utilisés lors de son exécution ont suscité la polémique, d’aucuns redoutent qu’il ne fasse l’expérience de la terreur, qu’il souffre. Pour le souvenir que j’ai de la mort [de Joy], [il l’a] obligée à sortir de sa voiture, il a tenté de la violer, il l’a sodomisée, étouffée, poignardée, je sais qu’elle a connu la terreur et la souffrance. Il bénéficie d’un traitement infiniment plus humain que celui qu’il lui a infligé. En fin de compte, nous devons tous faire face à nos juges – ici, sur terre, comme au ciel. L’heure est venue pour lui de faire face à son jugement.”
Pénurie de pentobarbital aux Etats-Unis
Agé de 53 ans, McGuire est mort d’une injection de midazolam, un sédatif, et d’hydromorphone, un dérivé de la morphine. Ce cocktail, jamais encore utilisé lors d’une exécution aux Etats-Unis, a été choisi par le département de réhabilitation et de correction de l’Ohio parce que le pentobarbital, le produit unique appliqué jusqu’alors, n’est plus disponible [les Etats-Unis font face à une pénurie de barbituriques due au refus de certains laboratoires européens opposés à la peine de mort d’approvisionner les services correctionnels américains].

Les derniers mots de McGuire ont été les suivants : “Je tiens à dire à la famille de Joy : merci pour la lettre et vos mots gentils. Ils ont eu une grande importance pour moi… A mes enfants, je vous aime, je monte au ciel. Je vous y retrouverai.”

  • The Colombus Dispatch
  • | Alan Johnson
  • COURRIER INTERNATIONAL