Le collège des médecins chargés d’enquêter sur les derniers moments des passagers vient de rendre son rapport final à la juge d’instruction Sylvia Zimmermann, chargée du dossier. Ce document d’une trentaine de pages sera peut-être communiqué mardi aux familles, en même temps que le rapport des experts judiciaires concluant à une conjonction d’erreurs humaines et de défaillances techniques. Le JDD a pu s’en faire communiquer les principaux éléments.
D’abord, les passagers ont été tués au moment de l’impact. Les médecins le réaffirment clairement : "Le décès a été rapide, contemporain de la dislocation de l’avion." Il n’y pas eu de dépressurisation, personne n’est mort asphyxié avant que l’appareil ne touche l’eau. Surtout, "durant la période qui s’étend du décrochage jusqu’à l’impact, la plupart des passagers n’ont probablement pas eu conscience de la situation en cours d’évolution". Selon le rapport, il n’y aurait eu "aucun cri en provenance de la cabine", aucune utilisation des signaux pour appeler le personnel navigant. "On peut admettre que le collectif de la cabine passagers n’a pas présenté de manifestations émotionnelles vives" durant les 4 minutes 30 qui ont précédé le crash.
"Pas de sentiment de panique dans la carlingue"
De fait, l’accident s’est produit peu après 2h10 du matin. Le document rappelle que les stores des hublots avaient été baissés pour la nuit. Les passagers devaient être dans un état de somnolence, sans repères extérieurs. "Il faut signaler, est-il décrit, que l’analyse des messages ACARS concernant la maintenance ne fait pas mention de perturbations du circuit électrique. Ce qui laisse à penser que les dispositifs audiovisuels individuels sont restés en fonctionnement jusqu’à l’impact, de même que le niveau d’éclairement de la cabine."
D’après le document, "les personnels de cabine n’ont pas préparé les passagers à une situation d’incident grave car dans ce cas, les passagers auraient été assis en position recroquevillée, la ceinture de sécurité attachée". Or le plus grand nombre, semble-t-il, n’était pas attaché au moment de l’accident. Le personnel navigant semblait circuler normalement dans l’appareil. Et le phénomène de buffet – de fortes vibrations – serait surtout intervenu en début de séquence. "Aucun élément ne permet de dire qu’il y a eu un sentiment de panique dans la carlingue", assure l’interlocuteur du JDD. Difficile à imaginer quand on sait que le vol AF447 a chuté d’une altitude de 12.000 m en l’espace d’environ quatre minutes. Gérard Arnoux, commandant de bord Airbus et porte-parole des familles brésiliennes, juge pourtant cela possible : "Il n’est pas incohérent de penser que les passagers n’ont pas eu conscience de leur fin imminente. L’avion a chuté mais de façon progressive. Il bougeait, il y avait du bruit, mais les voyageurs pouvaient imaginer que c’était dû à la zone de turbulences sans réaliser qu’ils allaient s’écraser."
Une chose est sûre, ce rapport remet un peu les victimes au cœur des discussions. "Quand on entend les débats du BEA ou les experts judiciaires, on a tendance à oublier la dimension humaine de l’accident. Il y a quand même eu 228 morts", déplore Me Alain Jakubowicz, l’avocat des familles réunies dans l’association Entraide & Solidarité AF 447. "C’est un phénomène qu’on retrouve dans toutes les catastrophes collectives, les victimes sont désincarnées. On en parle comme si ces hommes, ces femmes et ces enfants n’avaient pas vécu."
Marie Quenet - Le Journal du Dimanche