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26.11.13

Portugal - Quand la Police essaye d'envahir le Parlement

Manifestation de policiers à Lisbonne le 21 décembre 2013. AFP/ Francisco Leon.
Tous les corps de la police et de la gendarmerie portugaises ont manifesté le 21 novembre dernier à Lisbonne contre les mesures d’austérité qui s’appliquent également à la profession (la gendarmerie perdra, par exemple, 15 % de son budget en 2014). Si ce n’est pas la première manifestation du genre au Portugal, celle-ci a remporté une franche adhésion (plus de 10 000 manifestants) et s’est terminée dans un face-à-face tendu et inédit entre policiers en civils et policiers en uniforme.
En effet, les manifestants, parfois cagoulés, ont renversé les barrières de protection, forcé le barrage des forces de maintien de l’ordre et mimé une intrusion dans le Parlement. En face, la "Polícia de choque" (équivalent des CRS français) a peu ou prou repoussé les assaillants, ne s'interposant qu'au dernier moment, avant les portes de "São Bento" (surnom du Parlement portugais).
Le ministre de l’Intérieur Miguel Macedo, cité par Público, a jugé l’événement "absolument inacceptable. D’abord parce que les règles de sécurité doivent être respectées. Ensuite parce que ceux qui ont pour mission de les faire respecter ne peuvent donner l’exemple de les violer". Paulo Valente Guedes, directeur national de la police, a présenté sa démission le lendemain, "suite aux évènements qui se sont produits devant le Parlement".
Le Premier ministre Pedro Passos Coelho, cité par Ipsilon, a déclaré que "le non-respect des règles dans la manifestation de la police n’aurait jamais dû avoir lieu" et que "cela n’est pas un bon indicateur de l’autorité des forces de sécurité". Le Président António Cavaco Silva a, quant à lui, lancé un appel au calme en rappelant son plus grand respect pour les forces de l’ordre : "Maintenez la sérénité en ces temps difficiles pour le Portugal, alors que nous dépendons tellement, tellement des créanciers qui nous observent chaque jour".
La démocratie en jeu
Si l'affaire fait grand bruit au Portugal, les points de vue sur la portée de cette manifestation divergent. Cité par Nuno Ribeiro de Público, l’analyste politique Carlos Jelali estime que "ce qui s’est passé devant le Parlement a une valeur symbolique" et "que les limites des manifestations peuvent finalement être dépassées". Pour Boaventura Sousa Santos, intellectuel classé à gauche, "ce qui est en cause, c’est le cerveau de l’Etat. Il n’est pas possible de maintenir le droit et l’ordre si on humilie les forces de sécurité".
Dans le même sens, Daniel Oliveira pose la question dans sa chronique publiée dans le journal Expresso : "Comment les forces de l’ordre peuvent -elles imposer aux autres des limites qu’elles-mêmes dépassent ?". Pour lui, le comportement de jeudi dernier "n’est pas le problème mais le symptôme du climat de dégradation institutionnelle et démocratique que le gouvernement a provoqué".
L’éditorial de Público du 22 novembre y décèle une tendance antidémocratique : "Le message qui reste, non pour le gouvernement mais pour le peuple, est dangereux : en uniforme, les lois pèsent moins". Plus rassurante, et rappelant l'issue finalement pacifique de la manifestation, la présidente du Parlement, Maria de Assunção Esteves, a déclaré à ce même magazine que "le Parlement est fier d'être la maison et la porte à laquelle tous viennent frapper".
Alors que le gouvernement n'écarte pas des procédures disciplinaires pour punir les agents ayant désobéi aux consignes lors de la manifestation, Paulo Rodrigues, leader du principal syndicat de policier (Sindicados e Associações dos Profissionais das Forças e Serviços de Segurança) appelle à continuer la lutte et n'écarte pas l'idée d'une grève des amendes, pourtant illégale au Portugal.
 
COURRIER INTERNATIONAL