Ces petites créatures sont sans doute parmi les plus adorables qui soient, et elles ont l'air bien vulnérables. Pourtant, dans l'est de la France, les hamsters sauvages suscitent énervement, colère, actions en justice et même problèmes politiques pour le gouvernement de François Hollande. Un projet visant à faciliter la reproduction et l'alimentation du hamster sème le mécontentement dans la population, qui s'estime lésée au profit de l'animal.
Des projets de route vont être abandonnés et des sites industriels déplacés au nom du hamster, dénoncent les habitants, et construire une simple cabane de jardin deviendra impossible. La querelle est née d'une initiative de protection du grand hamster d'Alsace, dernier représentant sauvage de l'espèce en Europe, dont la population a diminué de 75 %.
C'est à contrecœur, menacé par la Cour de justice européenne d'une amende de 17 millions s'il ne prenait pas de mesures pour éviter la disparition de l'espèce, que l'Etat français a mis en place un plan de protection. Mais, pour certains élus locaux, ce sont de vastes territoires ruraux qui vont être transformés en "réserves à hamsters", inaptes à la moindre création de richesses – et c'est bien la dernière chose dont on a besoin quand le chômage atteint les 10 %.
Une cinquantaine de communes ont déposé un recours devant le Conseil d'Etat contre deux arrêtés qui ont créé 9 000 hectares de zones de protection du hamster. Pour ces élus, on fait passer l'intérêt de ce rongeur de 20 centimètres avant celui de la population.
"Nous n'aurons plus le droit de faire quoi que ce soit"
Sur place, on s'inquiète en particulier du périmètre de protection de 600 mètres qui serait imposé autour de chaque terrier. Il sera certes possible d'obtenir une dérogation pour réaliser des aménagements dans ce rayon, mais ses bénéficiaires devront compenser par le financement, à un autre endroit, d'un habitat favorable au hamster.
"Nous n'aurons plus le droit de faire quoi que ce soit", déplore un représentant du département du Bas-Rhin. A cause de l'"effet hamster", le brasseur Kronenbourg risque de devoir annuler son projet de centre de recherches à 17 millions d'euros, qui doit créer 50 emplois près d'Obernai. La construction d'un axe de contournement de Strasbourg paraît elle aussi compromise. Les partisans du plan de protection assurent de leur côté que les hamsters pourront ainsi se déplacer en sécurité pour aller chercher leur nourriture et se reproduire.
Car ces deux activités essentielles sont devenues problématiques. L'urbanisation a fragmenté le territoire et complique les déplacements d'un terrier à l'autre, contraignant le hamster à l'endogamie, quand cela ne l'empêche pas tout bonnement de se reproduire. L'agriculture intensive s'est concentrée sur la culture du maïs, une plante que le hamster ne goûte guère. Résultat : il ne reste que 309 terriers en Alsace, contre près de 1 500 il y a encore dix ans, soit le minimum nécessaire à la survie de l'espèce, disent les experts.
- Adam Sage
COURRIER INTERNATIONAL|